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Quand l’argent fait le patient ou les raisons du renoncement aux soins

06/02/2019 Expertise

Pourquoi renoncer à des soins quand on peut bénéficier d’une prise en charge au titre de la CMU-C ou d’une aide à la complémentaire santé ? Si la raison est avant tout financière et administrative, elle peut aussi être liée aux comportements de profession

Plus d’un quart des assurés maladie (26,5 %) renoncent à des soins et même le tiers d’entre eux dans plusieurs départements du sud-est de la France. Les femmes sont les plus touchées (58,6 % des cas), ainsi que les personnes vivant seules (36,6 %) et les familles monoparentales (17,7 %). Des difficultés d’insertion professionnelle et sociale ou des histoires personnelles sont souvent à l’origine de telles situations, mais le seul fait d’avoir des revenus modestes ne peut suffire. La raison invoquée est en effet financière dans trois quarts des cas : impossible d’avancer les frais quand il n’y a pas de tiers payant, ou de payer un reste à charge élevé. Les principaux soins auxquels les personnes renoncent sont bien sûr les plus coûteux ou les moins bien remboursés, soins et prothèses dentaires surtout, optique ensuite, mais aussi les consultations de spécialistes voire de généralistes. Chez les seniors, les problèmes d’audition sont également négligés. 

La réforme du reste à charge zéro devrait permettre de réduire progressivement le renoncement aux soins dentaires, optiques et auditifs à partir de 2019. Encore faudra-t-il que les personnes concernées accèdent à leurs droits à la complémentaire santé ! Nombre de bénéficiaires potentiels de la CMU-C ou de l’aide à la complémentaire santé (ACS) ignorent l’existence de ces couvertures sociales, ou ne savent pas qu’ils y ont droit ni comment en bénéficier. La fusion des deux dispositifs en novembre 2019 simplifiera leur accès. 

La cellule de lutte contre le renoncement aux soins, mise en place par l’Assurance Maladie dans chaque département, permet aussi de détecter les besoins de couverture, d’ouvrir des droits et d’accompagner les personnes en difficulté dans leurs démarches administratives et médicales. Elle a fait ses preuves dans 22 départements pilotes de novembre 2014 à mars 2017. Plus de 35 400 personnes ont ainsi été prises en charge du début de l’expérimentation à la fin du mois de janvier 2018. La moitié a pu effectuer des soins, quelque 12 700 personnes ont accédé à leurs droits à la complémentaire santé, et près de 4 500 ont bénéficié d’une aide financière de leur caisse primaire d’assurance maladie ou d’un autre organisme pour se soigner. 

D’autres raisons expliquent encore le renoncement aux soins, objectives comme la faible disponibilité ou l’éloignement des médecins, ou subjectives comme la peur de la maladie. Des solutions restent à trouver pour toutes, mais s’il est un obstacle urgent à lever, c’est le comportement de certains professionnels de santé. A commencer par le refus fréquent d’appliquer le tiers payant et le tarif opposable exigibles pour les bénéficiaires de la CMU-C. Cette pratique hors la loi s’apparente à un refus de soins non explicite et n’est que l’une des diverses discriminations de prise en charge. Une étude constate que la plupart des praticiens interrogés ont une vision éthique et humanitaire du traitement des inégalités - et non pas équitable -, laquelle s’oppose à leurs propres attentes financières et de confort. Certains font aussi des patients les boucs émissaires de leur relation avec les pouvoirs publics.

Sources : 
Assurance maladie - Lutte contre le renoncement aux soins : un dispositif généralisé à l’ensemble du territoire métropolitain - Dossier de presse 6 juillet 2018 
Etude des pratiques médicales et dentaires, entre différenciation et discrimination. Une analyse de discours de médecins et dentistes - Fonds CMU et Défenseur des droits - Mars 2017