Back to top

Téléconsultations : une régulation en douceur…

30/05/2023 Expertise

Envisagée en 2010 comme un recours dans les déserts médicaux, la téléconsultation a connu un essor fulgurant avec la pandémie. Le décret instauré au printemps 2020 pour assouplir le système a entraîné des dérives que l’État tente de rattraper…

Représentant environ 5% du nombre total des consultations médicales remboursées en France, selon le dernier rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, la téléconsultation est entrée dans les mœurs. C’est en 2010 que la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé aux territoires (dite « loi HPST ») définit et réglemente pour la première fois la télémédecine en France. En septembre 2018, cette modalité de soin entre dans le droit commun mettant fin à son expérimentation. Les actes de téléconsultation sont désormais ouverts à tous les patients et remboursés par l’Assurance maladie comme des consultations classiques à condition qu’ils s’inscrivent dans le cadre d’un parcours de soins coordonné.

Un outil numérique innovant et utile

En 2020 à la faveur de la pandémie, l’outil numérique non seulement innovant devient utile, permettant de maintenir le lien avec des patients n’osant plus se déplacer dans les cabinets médicaux et assurant la continuité des soins. Au printemps, l’instauration de l’état d’urgence sanitaire et du premier confinement vient bousculer les règles : afin de protéger patients et médecins des risques de contamination, le gouvernement décide que les Français pourront désormais bénéficier d'une consultation à distance avec un médecin qu’ils ne connaissent pas et sans avoir été orientés préalablement par leur médecin traitant. Un nouveau cap est franchi : la téléconsultation va connaître un boom extraordinaire. Avant la pandémie, 10 000 à 15 000 actes par mois étaient enregistrés chaque mois. Ce chiffre a bondi puisque, selon la CNAM, 19 millions d’actes ont été remboursés en 2020, 12 millions en 2021.

En début d’année 2022, le gouvernement annonçait la prolongation du remboursement des téléconsultations jusqu’au 30 septembre, avant de rétropédaler fin septembre. La raison ? « 110 000 arrêts de travail ont été prescris par téléconsultation l’an dernier, soit deux fois plus que l’année précédente. Et dans 8 cas sur 10, ce sont des patients qui ont un médecin traitant et qui se sont fait faire un arrêt de travail par un autre médecin. Forcément, ça interroge (…) Il faut que nous soyons extrêmement vigilants par rapport aux abus d'utilisation », a alerté le ministre de la Santé, François Braun. Une crainte confirmée par Gabriel Attal, Ministre de l'Action et des Comptes publics, qui évoquant une « fraude aux arrêts de travail », pointe un coût de près de 100 millions d'euros à la Sécurité sociale en 2021. Devant l’explosion des arrêts maladie, l’Assurance maladie dénonce également des abus : « Il n'y avait rien, avant la crise, sur les téléconsultations. On est un peu passé à Open Bar ou à un mélange de Far West », a dénoncé Thomas Fatôme, le directeur général de la Cnam appelant à plus de régulation et de nouvelles règles du jeu.

Un nouveau régime d’agrément

Donc acte. Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, le gouvernement avait annoncé des mesures en faveur d'une régulation plus forte de la télémédecine et particulièrement des téléconsultations.

La loi du 23 décembre 2022 de financement de la Sécurité sociale pour 2023 a entériné l’adoption d’un nouveau régime d’agrément applicable aux sociétés de téléconsultation. Il va dans le sens d’une plus grande régulation de ces plateformes.

Le projet de loi prévoyait également que pour les arrêts de travail prescrits en téléconsultation, seuls ceux délivrés par le médecin traitant ou par un médecin vu en consultation dans l'année précédente seraient indemnisés. Cette disposition défendue au nom de la lutte contre la fraude sociale, et qui devait s'appliquer à partir de juin 2023, a été en revanche censurée par le Conseil constitutionnel estimant qu’elle « peuvent avoir pour effet de priver l’assuré social (...) du versement des indemnités journalières alors même qu’un médecin a constaté son incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail ».

L’INFO EN +

  • 12% des Français vivent dans un désert médical ;
  • 80% des téléconsultations sont aujourd’hui réalisées avec un patient déjà connu du professionnel de santé.

 

Sources

Strategie.gouv : Organisation des soins de proximité : garantir l’accès de tous à des soins de qualité
Mutualite.fr : 19 millions : nombre de téléconsultations remboursées par l’Assurance maladie en 2020
TF1info.fr : 
Arrêts de travail en téléconsultation : les "cas particuliers" seront pris en compte, assure François Braun
Decision-sante.com : L'assurance maladie veut encadrer davantage les téléconsultations
MgFrance.org
Ufml-syndicat.org : Réponse de l’UFML-S au déremboursement de certains arrêts de travail prescrits en téléconsultation – communiqué du 26 septembre 2022
InstitutMontaigne.org : Budget 2023 : Projet de loi de financement de la sécurité sociale - quels enjeux sur l'accès aux soins et à l'innovation ?​
Service-public.fr : Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023 : les mesures phares